Brésil : Les péages routiers, une mesure légale ou abusive ?

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Après l’approbation de la Loi de mobilité urbaine début 2012, le débat sur les péages routiers est revenu sur le tapis dans tout le pays. Selon cette loi, les villes pourront faire payer un “droit de péage urbain” afin de diminuer les embouteillages et d’améliorer la circulation dans leur périphérie. Cependant, la mise en application d’un péage supplémentaire rend la mobilité interne impossible pour une frange de la population, étant donné que plusieurs importantes autoroutes fédérales et gouvernementales ont déjà été privatisées.
Selon les données de l’Association brésilienne des sociétés concessionnaires d’autoroutes (Associação Brasileira de Concessionárias de Rodovias – ABCR), qui comptent 55 entreprises membres :
Essas concessionárias operam 15.365 quilômetros de rodovias, o que corresponde a aproximadamente 7% da malha rodoviária nacional pavimentada.
Ces sociétés concessionnaires exploitent 15 365 kilomètres d’autoroutes, ce qui correspond approximativement à 7% de toutes les routes goudronnées du pays.
Tollbooths – Itiparina. Photo by Mariana Braga. (CC BY-NC-ND 2.0)

Postes de péage – Itiparina. Photo de Mariana Braga. (CC BY-NC-ND 2.0)

Les tarifs varient entre 1,40 réals [soit 0.80 dollars US] (Autoroute BR 101 allant de Curitiba à Santa Catarina) et 11,20 réals  [soit  6.20 dollars US] (Autoroute BR 116 allant de Rio de Janeiro à Além Paraíba). Cela pourrait sembler négligeable alors que plus de 180 000 kilomètres de routes sont goudronnées à travers tout le pays. Toutefois, outre le fait que qu’il s’agit des principales autoroutes nationales et publiques, les postes de péage sont installés à une distance approximative de 80 km les uns des autres, en fonction du lieu.
Depuis 2007, un e-mail circule sur Internet, pour exposer la thèse finale de l’étudiante en droit Márcia dos Santos Silva, de l’Etat de Rio Grande do Sul. Dans sa thèse, celle-ci soutient que:
o direito de ir e vir é cláusula pétrea na Constituição Federal, o que significa dizer que não é possível violar esse direito. E ainda que todo o brasileiro tem livre acesso em todo o território nacional. O que também quer dizer que o pedágio vai contra a constituição.
Le droit de circulation est une disposition fondamentale de la Constitution fédérale, ce qui signifie qu’un tel droit ne peut être violé. De plus, tout Brésilien dispose d’un libre accès à tout le territoire national. Cela signifie aussi que les péages routiers vont à l’encontre de la Constitution.
Même si l’e-mail comporte de fausses informations comme la valeur constitutionnelle du libre consentement à payer ou non ces droits (tous analysés dans le blog du consultant d’entreprise  Marcelo Galvani), Márcia a accordé à la Radio CBN une interview dans laquelle elle a continué de défendre sa position contre les péages routiers. Son argumentation comporte néanmoins un point valide: les citoyens paient déjà un taxe spécifique sur le gaz pour la construction et l’entretien des routes publiques.
En dessous de son interview postée sur YouTube, la discussion menée entre ses partisans et ses détracteurs, renvoie à un plus large débat: celui des péages routiers.  Leur mise en oeuvre est-elle vraiment légale vu qu’il existe déjà des taxes spécialement levées pour les autoroutes?
Road works on highway BR 158, in Mato Grosso. Photo by minpanplac. (CC BY-NC-SA 2.0)

Travaux routiers sur l’autoroute BR 158, dans le Mato Grosso. Photo de minpanplac. (CC BY-NC-SA 2.0)

Dans un commentaire laissé par sucrilhos, ce dernier argumente que:
O direito de um termina onde o do outro começa (…) O direito de ir e vir não diz que você pode ir pra onde quiser… se pensar desse jeito eu teria direito constitucional de entrar na sua casa quando quisesse… e você sabe que não posso, porque você tem o direito da propriedade privada e por ele você pode deixar entrar só quem você quiser, a menos que seja emitida uma ordem judicial….A mesma lógica se aplica aos pedágios, as estradas são privadas. Eles podem cobrar se quiserem.
Les droits des uns commencent là où finissent ceux des autres (…) Le droit de circulation ne signifie pas que vous puissiez aller partout où vous le voulez….Imaginons que je penserais avoir légalement le droit d’entrer chez vous juste quand je le désire… mais que vous sachiez que je ne le peux pas  parce que vous jouissez du droit de propriété privée et que, de fait, vous seul autorisez les personnes de votre choix à entrer, à moins qu’un mandat judiciaire ait été obtenu… Une logique similaire s’applique aux péages routiers, ce sont des autoroutes privées. Leurs concessionnaires peuvent, s’ils le désirent, faire payer leurs usagers.
Alehage, se référant à l’Article 150, I, V de la Constitution qui autorise les péages routiers, soutient d’un autre côté que…
As leis se anulam umas às outras e não defendem aos nossos. Fácil saber que existam leis autorizando o pedágio, mas essas leis entram em conflito com a lei que Márcia citou. Ela não está espalhando desinformação, só defendeu uma tese sobre o assunto em uma faculdade, e é incompreensível tanta agressividade de vocês. Se criarem leis taxando o ar, a respiração… vamos apoiar, ou ser fora-da-lei?
Une loi en invalide une autre et ne défend pas nos droits. Qu’il y ait des lois autorisant la création des péages est un fait connu mais ces lois créent un conflit avec les lois évoquées par Márcia. Celle-ci n’est pas en train de propager de fausses informations, elle a seulement soutenu une thèse sur le sujet à l’université et je ne parviens pas à comprendre que vous ayez autant d’animosité contre elle. Si des lois pour taxer l’air, le fait de respirer étaient créées… les soutiendriez-vous ou  deviendriez-vous des hors-la-loi?
Selon l’Agence nationale des Transports terrestres (Agência Nacional de Transportes Terrestres – ANTT)…
O processo de implantação [da concessão de rodovias] iniciou em 1995 (…) Esta parceria entre o governo federal e os governos estaduais deu continuidade ao processo de descentralização das atividades do Estado na área de transporte, transferindo à iniciativa privada a prestação de determinados serviços que, apesar de serem essenciais à sociedade, não precisariam, necessariamente, ser oferecidos pelo poder público. Essa transferência de responsabilidade vem possibilitando ao Estado, a alocação de maiores verbas para as atividades sociais, estas indelegáveis.
Le processus de mise en oeuvre des concessions autoroutières a commencé en 1995 (…) Ce partenariat entre le gouvernement fédéral et l’Etat ont abouti à un processus de décentralisation des activités de l’Etat dans le domaine des transports, transférant à l’initiative privée la fourniture de services qui, bien qu’essentiels à la société, ne réclament pas d’être nécessairement fournis par le gouvernement. Ce transfert de responsabilité a permis à l’Etat d’allouer plus de fonds aux activités sociales, celles-ci ne pouvant être déléguées.
Une fois cette activité transférée au secteur privé, les concessionnaires peuvent réévaluer le prix initial du péage en fonction des dépenses et de l’inflation. Toutefois, à l’occasion d’une affaire récente, publiée sur le site Bom Dia Feira, la justice fédérale s’est montrée opposée au concessionnaire Via Bahia, lequel voulait réévaluer le prix du péage via une augmentation jugée moyenne de 9.33%, car elle ne constatait pas d’améliorations comme ceci avait été promis sur l’autoroute BR-116, située dans l’Etat de Bahia,.
Le journaliste Adamo Bazani pourtant, écrit dans son blog Ponto de Ônibus, que…
desde quando foi criado [o CIDE – Imposto sobre combustíveis], em 2002, o tributo arrecadou R$ 68,8 bilhões. Mas deste total, apenas R$ 35,6 bilhões foram investidos em melhorias nos transportes, um dos principais objetivos deste tributo, mais um, dos muitos impostos que o brasileiro paga.
depuis que la CIDE c’est-à-dire la taxe sur les carburants a été créée, en 2002, il a été collecté 68,8 milliards de réals [soit 38 milliards de dollars US]. Mais sur ce total, seuls 35,6 milliards de réals [20 milliards de dollars] ont été investis pour améliorer les transports, ce qui était l’un des principaux objectifs de cet impôt en plus d’être une taxe parmi de nombreuses autres payés par les Brésiliens.
Indépendamment de toute position idéologique ou juridique, plusieurs conducteurs défient la loi et préfèrent échapper aux postes de péage. Plusieurs vidéos circulent sur lnternet montrant comment passer sans payer.
Que les péages routiers soient illégaux ou non, dans un pays comme le Brésil, hautement dépendant du transport routier, les discussions sur le paiement d’un péage soulèvent d’essentielles considérations relatives à la croissance durable du pays. Alors qu’on n’investit pas beaucoup dans les nouvelles alternatives de transports,  le paiement de taxes et de péages apparaît, une fois encore, contradictoire avec le fait d’”en avoir pour son argent”.

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